Museo: Mostra Teatralità - Architettura per la meraviglia

Introduction à l'exposition avec le commissaire

Entrer pour la première fois au Teatro Olimpico de Vicence, à la Scala de Milan ou au San Carlo de Naples produit le même émerveillement que celui qui s'allume lors de notre entrée à Saint-Pierre de Rome, à Saint-Marc de Venise ou dans une grande mosquée comme Sainte-Sophie à Istanbul. La même merveille suscite la grandeur du palais des Bourbons à Caserte ou celui des Savoie à Venaria, également des "espaces en scène", exemples de la façon dont l'architecture a toujours réinventé l'espace, remplissant des fonctions pratiques et en même temps symboliques et représentatives. Patrizia Mussa a affiné au fil du temps son œil de photographe ainsi que sa technique et sa poétique, et atteint aujourd'hui une maturité expressive qui a peu d'égaux sur la scène internationale. Nous avons conçu l'exposition Théâtralité - Architecture pour l'émerveillement pour partager le voyage que Patrizia Mussa et moi-même entreprenons depuis quelques années parmi les théâtres italiens et les architectures les plus spectaculaires des palais princiers et des églises. Mussa capture avec son œil délicat et du bout de son objectif photographique les volumes intérieurs ou extérieurs qu'elle a devant elle, les imprime ensuite sur du papier coton puis y intervient à nouveau avec des retouches au pastel. Les œuvres produites dans cette recherche sont de pures épiphanies visuelles, des impressionnismes bidimensionnels surprenants d'architectures tridimensionnelles, dans lesquels semblent se fondre les chromatismes de Canaletto et Guardi et les trames subtiles du dessin de Piranesi, avec une touche de spectaculaire à la Panini. Patrizia Mussa nous accompagne ainsi dans un Voyage en Italie, dans un Grand Tour renouvelé, fait de "merveilles de merveilles" : ses clichés d'architectures déjà scénographiques en soi se transfigurent encore davantage grâce à une technique qui est devenue au fil du temps sa "langue". Il en résulte des figurations inédites, presque métaphysiques, fantasmatiques, impressionnistes. Les théâtres et les autres architectures photographiés et retravaillés par Mussa sont des quintessences formelles, de la poésie visuelle, de l'existentialisme pictural sans figures humaines. Les architectures théâtrales sont parmi les plus stupéfiantes que l'ingéniosité humaine ait mises au point : qu'il s'agisse d'un théâtre grec, sculpté dans le flanc d'une colline il y a deux mille cinq cents ans, ou d'un théâtre à loges du dix-huitième siècle, ce sont toujours des architectures pour la polis, des lieux où se réunir, des dispositifs pour voir et être vus, des machines qui allument l'émerveillement. Et l'homme a toujours eu besoin d'émerveillement pour s'émanciper de la concrétude du réel, parfois brutale, pour l'interpréter ou le magnifier. Historiquement, les théâtres sont des agoras sociales, des temples laïques, des édifices où exercer l'imaginaire, des lieux où peut affleurer l'intangible, des domaines de la vision et de l'écoute, du jeu et de la musique, de la réalité répliquée sur scène et en même temps des "espaces liminaux" où il est possible d'effleurer le mystère qui se cache derrière les choses. Du théâtre antique au "théâtre à l'italienne" jusqu'aux expérimentations du vingtième siècle, c'est toute une succession de variantes qui ont conduit à des solutions chaque fois différentes, y compris les installations provisoires dans les palais, les cours, les jardins et les places. Et c'est précisément dans cet "accueil" que se concrétise l'une des fonctions de cette architecture : c'est ici que la communauté converge pour substantifier sa cohésion, son auto-représentation. L'hémicycle du théâtre antique est une forme parfaite pour voir et écouter, l'un à côté de l'autre, dans un rituel qui renvoie à la démocratie, à la participation, au partage. À partir du milieu du dix-septième siècle et tout au long des dix-huitième et dix-neuvième siècles, "notre" théâtre à loges sera protagoniste, exporté dans toute l'Europe et dans les Amériques : lorsque l'architecture de la salle est complète avec ses propres habitants, véritable "architecture vivante", alors le regard pourra se tourner vers la scène pour donner début au rite du miroir ou de l'épiphanie. La recherche de Patrizia Mussa sur les "architectures théâtrales" a eu sa première importante exposition publique au Palazzo Reale de Milan, en décembre deux mille vingt-trois, puis à la Villa Zito à Palerme en deux mille vingt-quatre, à Paris, dans les premiers mois de cette année deux mille vingt-cinq, dans les salles néoclassiques de l'Hôtel de Galliffet (le premier siège du Ministère des Affaires étrangères français, au lendemain de la Révolution, bureau de Monsieur Talleyrand), et aujourd'hui à la Basilique Palladienne de Vicence, l'une des inventions les plus élevées de notre Renaissance. Basilique portraiturée par Mussa pour cette nouvelle exposition fortement voulue par la famille Gemmo (que je tiens ici à remercier pour son mécénat), atteignant un affinement ultérieur de son langage expressif. Nous aimons penser que le visiteur de cette exposition, une fois le parcours expositif terminé, sera encore plus curieux de ces "architectures de l'étonnement", voudra revenir les visiter comme des monuments spéciaux, revenir les habiter avec une plus grande conscience de leur genèse et de leur fonction. Car s'il est vrai que les rêves s'évanouissent à l'aube, il est également vrai que l'ingéniosité humaine, comme antidote à la caducité de la beauté, a construit des théâtres. Pour continuer à rêver les yeux ouverts et en pleine conscience. Le commissaire Antonio Calbi